Il y a un an ... Il y a mille ans.
La logique aurait voulu que je commente mon dernier article et le buzz qu’il a eu, son énorme succès et ses dégâts collatéraux. L’actualité aurait voulu que je parle de l’Egypte et son drame, des subsahariens et l’enfer qu’ils vivent chez nous, de tous ces pédophiles marocains qui détruisent nos bébés, de ces dames courageuses qui se font lyncher dans nos médias par des imbéciles attardés, de ces hommes qui ont refusé de se prosterner devant un autre homme.
Oui, la raison aurait voulu tout ça, mais ce soir, je n’en ai ni l’envie, ni le courage.
Ce soir, je pense à il y a un an et j’ai l’impression d’avoir vécu mille ans.
Il y a un an, je créais mon blog. Il y a un an, jour pour jour, à un ou deux jours prés.
C’était pendant le mois de Ramadan. Je n’avais pas encore mesuré l’ampleur du mouvement “masayminch” au Maroc et je devais donc me débrouiller toute seule pour ne pas être crucifiée sur la place publique et ne pas donner des insomnies à mes parents avec des visions de mes petites fesses cramant dans le feu de l’enfer Ad Vitam Eternam.
Après avoir usé et abusé du fameux ‘’J’ai mes règles’’, et après que mon petit frère m’ait dit : “A moins que tu sois une chienne, je n’ai jamais vu de règles qui duraient 10 jours”, j’ai du me retirer dans ma tanière au bord de mer avec le fameux ‘’je dois bosser, j’ai besoin d’être seule’’.
Je me suis retirée, j’ai écrit et le blog est né.
Quand je pense à cette période là aujourd’hui, je ne me reconnais pas. J’étais tellement différente de celle que je suis devenue aujourd’hui.
Tellement de choses se sont passées en un an.
Et pourtant, il y a juste un an.
Mais, il y a un an … il y a mille ans.
Aujourd’hui, je suis dans ma chambre de jeune fille, dans la maison de mes parents. Mon fils regarde Mickey sur mon téléphone, allongé sur ce lit, témoin des chagrins d’amour de mes 15 ans, des débats d’amours de mes 25 ans, des conversations d’amour de mes 35 ans.
Je me regarde dans le miroir en cherchant mes mots, en essayant de comprendre ce que le bilan que je m’apprête à faire m’inspire, et je m’étonne de la complicité que je découvre avec le reflet que je vois. Je m’étonne de ce sourire bienveillant que je m’inspire. Je me souris comme une folle, que je suis sûrement, que j’ai toujours été, mais que j’apprécie aujourd’hui.
C’est curieux, je ne détourne plus les yeux comme avant. Plus de honte, plus de peur, plus de gêne.
Je me suis peut-être pardonnée. Quoi ? Je n’en sais rien, mais c’est fait ou du moins c’est entrain de se faire.
J’ai peut-être commencé le voyage intérieur dont me parlait Shams de Tabriz et auquel je ne comprenais rien jusqu’il y a une semaine.
Il y a une semaine, il y a cent ans.
A l’occasion du premier anniversaire de mon blog, j’ai décidé de faire un truc que je me suis toujours refusée de faire jusqu’à présent : comprendre cette année-là.
Il y a un an, j’étais une jeune femme de 35 ans, confortablement installée dans la vie. Je passais mon temps entre mon travail en France, mes séjours chez mes parents au Maroc et ma vie de maman. Il y a un an en apparence tout allait bien, sauf que je fuyais mon regard dans le miroir, je passais mon temps à cacher mon corps, je me sentais royaliste par pur égoïsme. Il y a un an, je dépensais toute mon énergie à faire taire cette voix qui me disait : “Arrête de te mentir, tu sens bien qu’il y a quelque chose qui cloche chez toi”
En Août 2012, j’ai écrit sur l’homme que j’attendais, sur les prédateurs qui déchiquettent le Maroc et sur ces hommes arabes qui font du mal à ces femmes arabes.
Et puis, il y a eu le 1 septembre 2012. J’ai assisté par le plus grand des hasards à la fête de “L’allégeance à la liberté et à la dignité” organisée à Paris. J’y suis allée sans savoir que ma vie allait littéralement basculer à partir de ce jour-là.
J’y rencontre du monde, beaucoup de monde. Je me tais et je regarde.
Je rentre chez moi le soir, un peu shootée et j’écris : “Monsieur, vous n’êtes pas Dieu”, je le poste et je dors.
Mon royalisme égoïste commençait à s'effriter. Ma solitude intérieure aussi.
Je me réveille, et je me prends tout de face.
L’amour, fou, irrationnel, inconditionnel.
L’amitié, folle, irrationnelle, inconditionnelle.
La liberté, l’écriture, les projets, la vie.
Je deviens une boulimique de tout, je plonge tête baissée dans les projets les plus dingues, les connaissances les plus improbables, je dis oui à tout sans réfléchir et sans douter. Je défais mes valises pour les refaire quelques jours plus tard. Je n’ai jamais été aussi productive au boulot, aussi aimante comme maman, aussi épanouie comme maîtresse.
Je n’ai jamais autant écrit, autant ri. Je ne me suis jamais autant sentie en vie.
Et puis, je commençais à vous découvrir vous. Les premières reconnaissances, les premières jouissances, les premières réussites.
Tout était beau, magnifique, j’étais dans la pente ascendante.
Plus je me sentais comprise, aimée et désirée et plus je me pardonnais et je devenais forte.
J’ai été comprise avant mais pas autant, pas avec cette fluidité, pas avec cette façon qui me permettait de classer les dossiers inachevés dans ma tête pour petit à petit réduire cet énorme chantier à une dimension acceptable.
J’ai été aimée et désirée avant, mais pas pour les mêmes raisons et pas avec cette réciprocité, qui même provisoire, vaut toutes les éternités.
J’ai cru m’être pardonnée, mais je n’avais pas compris que j’avais besoin de l’aval des autres avant de me croire. J’avais besoin de la reconnaissance de mon ‘’intelligence’’ par les gens ‘’intelligents’’, j’avais besoin de l’admiration des hommes pour mon corps, et pas n’importe lesquels, j’avais besoin de vos commentaires, vos encouragements et presque de vos insultes. J’avais besoin d’avoir tout ça pour comprendre que je n’en ai pas forcement besoin et que je devais tout puiser en moi.
Et tout ça, je l’ai eu, d’un coup d’un seul. Je l’ai eu pendant 4 mois avant que tout bascule.
Évidemment, autant de passion, ce volcan de sentiments ne sont pas viables, même pour le plus solide des cœurs. Le mien était encore fragile. J’entamais ma pente descendante.
Je me suis baladée dans les recoins les plus sombres de mon âme, j’ai frôlé la folie à plusieurs reprises, et j’ai écrit. Je ne vous ai peut-être pas tout raconté, mais vous étiez mon refuge, ma vengeance, ma constance et ma convalescence.
C’est en vous écrivant maintenant que je me rends compte que j’étais juste entrain de régler le reliquat de mon pathos en accéléré. Je ne voulais plus me mentir estimant avoir dépassé l’âge de le faire, et j’ai affronté mes peurs et mes faiblesses de face, quitte à me faire souffrir au point de frôler la folie, j’ai voulu aller jusqu’au bout de mes douleurs et mes souffrances, je me suis obligée à faire et à dire des choses qui étaient en temps normal au-dessus de mes forces. Je me suis obligée à supporter les pires humiliations. J’ai connu les pires déceptions, qui n’avaient d'égales que les espoirs qui les avaient précédés. J’ai connu les pires malheurs qui n’avaient d’égales que les bonheurs qui les avaient initiés.
J’ai fait tout ça, d’un coup d’un seul. J’ai fait tout ça pendant 3 mois avant que tout rebascule.
J’ai demandé Pardon à mon coeur dans “Toutes mes excuses mon coeur” avant de tout arrêter dans “Mes amis je vous dis Adieu”.
Sauf que c’était trop tard pour arrêter, vous m’étiez devenus vitaux, vous et toute cette nouvelle vie que j’ai d’abord intégrée avec cette fougue de la vierge qui a attendu toute sa vie, avant de tout rejeter en bloc pour revenir beaucoup plus sereine, presque plus raisonnable dans la folie.
Ma léthargie des dix dernières années a été rattrapée en une année et j’ai presque les larmes aux yeux en pensant à toutes ces personnes qui y ont contribué de près ou de loin, volontairement ou pas, en mal ou en bien.
A toutes ces personnes qui m’ont regardée avec des yeux d’amitié, d’amour ou d’envie, de compassion, d’affection ou de suspicion, de haine, de colère ou de malveillance. A toutes ces personnes qui volontairement ou pas m’ont tirée vers le haut, et à toutes les autres qui volontairement ou pas m’ont tirée vers le bas.
Ceux qui me lisent et qui comprennent, ceux qui me lisent et qui m’en veulent , ceux qui me lisent et qui me détestent, ceux qui me lisent et qui me connaissent et les autres qui ne me connaîtront jamais, ceux qui me lisent et à qui je fais du bien, et ceux à qui je fais du mal, ceux qui m’écrivent pour me dire à quel point ils m’aiment et à quel point je leur manque et ceux qui m’écrivent pour me menacer de mort.
A toutes ces personnes, j’ai envie de dire : “Depuis un an maintenant, vous faites partie de ma vie, sans l’autorisation de ma volonté. Parfois je vous aime à la folie et parfois je vous déteste, parfois je ne peux vivre sans vous et d’autres fois, je n’ai qu’une seule envie, c’est de vous sortir de ma vie. Vous êtes l’une des plus belles histoires de ma vie. Il y a un an je ne le savais pas encore, ce soir je vous le dis”
Joyeux premier anniversaire à la version marocaine.
C’est mon blog, mais sans vous, il n’est rien.
Marocaine version “Il y a mille ans et déjà un an”